Le pain : pas si simple !
Tous ces quignons que nous dévorons, toutes ces tranches englouties sans que nous le réalisons, toutes ces miettes sur le sol de nos cuisines qui crissent sous nos pantoufles, toutes ces tartines passées au grille-pain pour n’être que mieux beurrées… Ces pains, d’où viennent-ils ? Comment sont-ils fabriqués ? Qui les façonnent ? Pourquoi les goûts varient ou ne varient pas ? Quelle magie crée la divine croûte du pain ? La cuisine étant considérée comme un produit culturel, il est normal de se poser des questions sur celle-ci et d’essayer de dénicher des informations sur le monde de la gastronomie en général.
La boulangerie, fabrique de pain ?
Oui et c’est le code de la consommation qui le dit : le boulanger est censé fabriquer son pain de A à Z. Et “l’artisan boulanger”, quelle drôle d’espèce est-ce donc ? L’artisan boulanger n’est rien de plus qu’un boulanger. Le terme “artisan” donne une connotation manuelle au métier de boulanger, a peut-être permis un temps de différencier le vrai du faux. En tout cas, certains ont essayé ainsi de combattre la boulangerie industrielle, mais aujourd’hui, ne vous fiez pas plus à un artisan boulanger qu’à un boulanger, ils font le même métier.
Les « fournils » et « points chauds », en revanche, ne sont pas des boulangeries. Le commerçant reçoit de boulangeries industrielles des pâtons congelés qui sont cuits sur place.
Entre vrai pain et artifices
Et en boulangerie, que trouve-t-on ? Quelle question ! Toutes sortes de pains, des petits, des grands, des allongés, des biscornus, des pains tordus, aux céréales, aux fruits secs, mais aussi des pâtisseries et des viennoiseries bien sûr ! Vous n’avez pas besoin de lire cet article pour découvrir le royaume de la boulangerie, vous direz-vous peut-être.
Pourtant, savez-vous vraiment comment est fait votre pain, qui le fait, d’où viennent les ingrédients, ce que contient votre baguette préférée, comment le boulanger peut chaque jour fabriquer tous ces pains, toutes ces viennoiseries et toutes ces pâtisseries qui rayonnent tel un arc en ciel jusque sur le trottoir ? Si l’on s’en tient à la définition du Petit Robert, voilà ce qu’est un pain : un aliment fait de farine, d’eau, de sel et de levain, pétri, fermenté et cuit au four. Petit aparté : pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le site Les Docus, portail de la culture en vidéo qui regorge de ressources sur l’alimentation.
Un condensé de simplicité
La baguette “tradition”, ou l’appellation tradition en général, donne un certain gage de qualité au consommateur. C’est en 1993, avec le décret pain, qu’a été décidé de légiférer sur un pain dit “de tradition” qui garantit que les pains n’ont subi aucune surgélation, ne contiennent aucun additif, que la pâte est composée exclusivement d’un mélange de farines panifiables de blé, d’eau potable et de sel de cuisine. Est ajouté dans le décret que la fermentation doit être réalisée à l’aide de levure de panification et de levain, ou de l’un des deux.
Ça laisse rêveur sur les ingrédients des autres pains… Car si la baguette dite de tradition a la cote, et respecte le décret pain pour notre plus grand bonheur, que contiennent les autres variétés alors que nous, mangeurs de pain, sommes tant friands des sophistications de la boulange ?
Si l’on craint les poudres de perlimpinpin des industriels, on peut alors se dire « ce n’est pas grave, une bonne baguette basique bien de chez nous et au large les additifs ! » Méfiez-vous, cette baguette est la moins chère et ce n’est pas pure générosité de la part du boulanger. L’industrie agroalimentaire est présente, et bien présente, chez les boulangers français, et certains pains de boulangerie n’ont parfois pas grand-chose à envier à certains pains de grandes surfaces.
Et les viennoiseries ?
Quant aux viennoiseries, on estime qu’environ 50% des viennoiseries vendues dans les boulangeries proviendraient de l’industrie. Le boulanger reçoit des cartons de pâtons surgelés de croissants et autres délices agroalimentaires et les fait cuire. Il est vrai qu’il est ainsi plus simple d’avoir des pains au chocolat tout frais tout chauds toute la journée.
Mais tout va bien, car selon un autre industriel du pain, les ingrédients utilisés pour les artisans boulangers seraient de meilleure qualité que ceux utilisés pour les fournils et les grandes surfaces. A propos des ingrédients, n’hésitez pas à consulter le blog Faster Today, qui vous en apprendra plus sur la nutrition, les aliments et certains de leurs dangers (additifs,…).
La relation meunerie-boulangerie et le pain
Cela dépend bien entendu des moulins et des boulangeries, mais il faut savoir que les boulangers sont aujourd’hui dépendant des meuniers pour s’approvisionner en farine évidemment, mais pas seulement. Car les meuneries sont devenues, pour certaines en tout cas, des entreprises expertes en communication & marketing de boulangerie et parfois de véritables agences immobilières.
En effet, les boulangers peinent de plus en plus à s’installer, manque de trésorerie oblige, mais aussi de point de chute, les bons emplacements commerciaux se dégotent à prix d’or. Ce sont aujourd’hui très souvent les meuniers qui permettent à des boulangers de s’installer, via la présentation de locaux, le montage du dossier financier, d’éventuelles garanties auprès des banques. Et derrière cela ? L’obligation bien entendu de travailler « en partie » avec le meunier et ses marques. En partie, cela représente souvent 80% de l’achat de la farine. Dans certains cas, l’obligation de vendre la marque phare du meunier est imposée, dans d’autres cas non.
Cette standardisation de la boulangerie, ainsi que des pains vendus, qui avouons-le n’invite pas le consommateur à l’aventure lorsqu’il achète son pain, ne viendrait-elle pas de ces relations presque fraternelles existant entre meuniers et boulangers ?
Les meuniers montrent “pâte” blanche
Selon les meuniers, les boulangers continuent à pratiquer leur métier en toute indépendance, mais « bénéficient » d’un certain nombre de services, tels que des recettes imposées (dans certains cas), la possibilité de recevoir des premix (ou des farines composées) pour faciliter le travail, des formations pour apprendre à faire toujours le même pain, une politique marketing performante offrant une reconnaissance visuelle au boulanger (ou au meunier peut-être ?) via les façades, les intérieurs de boulangerie, la gamme de produits, les actions commerciales proposées, etc.
Quant aux produits vendus aux boulangers, que du naturel bien sûr ! Et là, libre à chaque meunier de faire la publicité de sa baguette tradition, 100% naturelle. Les ingrédients des autres pains et baguettes sont moins mis en avant, les explications plus troubles, et pour cause !
Là entrent en scène d’autres industriels, les entreprises des ingrédients.
Premix, additifs & compagnie
Le pain de boulangerie est parfois aujourd’hui un condensé de technologie. Beaucoup avancent l’argument selon lequel le pain est bien meilleur aujourd’hui qu’il y a trente ans, qu’il se conserve mieux, etc. En effet, l’industrie des ingrédients joue un rôle incontournable dans le monde du pain, tout comme dans l’industrie agroalimentaire.
Pour vous faire saliver, quelques ingrédients fréquemment utilisés par les boulangers (ou les meuniers qui fabriquent des « premix » afin que le boulanger voit son travail simplifié) : émulsifiants mono et diglycérides d’acide gras, agent de traitement de la farine, acide ascorbique, alpha-amylase, amylase maltogène, amyloglucosidase, glucose-oxydase, hemicellulase, lipase, auxiliaire technologiques, huile végétale, lesprotéines de blé hydrolysées, la levure désactivée, les émulsifiants E471, 472, 481, 322, l’acide ascorbique,…
Et n’oubliez pas que lorsque vous réalisez du pain vous-même (à l’ancienne, sans machine à pain), avec pétrissage et levée, il est tout à fait normal que vous n’obteniez pas le même pain qu’en boulangerie. C’est un peu comme lorsque l’on fait une moussaka maison, elle n’a pas le même goût que la moussaka vendue sous vide ou surgelée au supermarché du coin !